Une journée ne manquant pas de piquant..

Salut,

 

Ivrea-Santhia

 

Je garde un bon souvenir de la journée et de la soirée passées à Ivrea. La nuit fut moins agréable. Ma sciatique, frustrée d’avoir été occultée par mes douleurs plantaires, n’a eu de cesse de s’exprimer pendant que le soleil chauffait l’autre hémisphère. Chaque fois que je me tournais j’avais droit à une « décharge électrique ». Ce qui m’a permis de me rendre compte en temps réel de ce qui tombait à l’extérieur. Les éclairs et le tonnerre  ont eux aussi produit leur quantité de kilowatts. Si bien qu’au petit matin, me levant en boîtillant, je m’aperçois qu’il pleut encore. Le temps de faire ma toilette, mes articulations chauffent un peu. Je marche presque normalement. Et descends déjeuner. Je suis seul. La dame au bar ne parlant pas français, c’est à sa radio qu’elle s’adresse. J’imagine qu’elle répond à des questions de l’animateur. A voix haute. J’apprécie particulièrement mon petit déjeuner. Je me sens bien. Mieux que d’habitude. Tout mon corps est comme enveloppé d’une douce sensation de douceur. Je suis « ouateux ». La pluie qui tombe ne me dérange pas le moins du monde. Maintenant, quand il pleut, je me dis qu’un nouveau rendez-vous avec moi-même est peut-être programmé.Mon sac est prêt. Pour changer, je me suis mis en short. Je serai plus vite dans le bain (c’est le cas de le dire !), et le soir venu j’aurai un pantalon sec à me mettre. Je préfère.

Je descends vers le centre-ville, là où la veille je vous avais écrit. La pluie cesse doucement. Arrivé en ville, un kilomètre plus bas, les gens sont en tee-shirt. Moi, déjà en nage ! Je m’arrête et enlève ma veste. Me voilà en short et tee-shirt, ma tenue préférée. Je sors rapidement de la ville et pénètre dans un sous-bois. Je peux constater à quel point il a plu. Le sentier est trempé. Mais reste toutefois praticable. Il fait bon. Je réalise que l’air est humide. Très humide. A peine ai-je fait ce constat qu’une piqûre me sort de mes pensées. Un moustique peu enclin aux bonnes manières vient de me prélever un échantillon de mon sang. Pas pour analyses. Une émulation se crée aussitôt ! J’en ai rapidement une dizaine qui me tournent autour. Une bande d’assoiffés, dont certains sont de vraies brutes. Pas d’anesthésie, on pique à l’arrache. Je me dis qu’il doit y avoir de jeunes novices sans expérience. Même pas des internes. Des stagiaires de première année ? Les prélèvements, sans être bancaires n’en demeurent pas moins $douleureux. Et répétitifs. Ma réaction ne se fait pas attendre : une loi unilatérale est immédiatement votée, avec application immédiate : la sentence sera la mort pour tout acte de vampirisme.  La plèbe accueille cette nouvelle règle avec enthousiasme.

Je donne volontiers mon sang. Mais c’est quand je le décide. La lutte est sans pitié. Attaqué de toutes parts, je décime les troupes ennemis. Du moins, j’en ai l’impression. Celles-ci semblent se régénérer sans fin. Les attaques deviennent sournoises. On m’attaque par derrière ! Aucun traité n’est respecté. Je suis piqué à travers le tee-shirt ! Contrairement au commun des mortels de la gente masculine, j’ai ce don typiquement féminin qui me permet de faire deux choses en même temps :1. Je continue à me défendre vaillament. 2. Je me dis que j’aurais mieux fait de garder mon pantalon et ma veste… 😉
Trop tard pour les regrets. Dès que je fais mine de m’arrête, l’ennemi se démultiplie. Je ne dois mon salut qu’à la sortie de ce joli petit bois. N’en déplaise à Yves Duteuil, aucune tarentelle ou autre danse ne m’y fera retourner.

Un petit village se présente enfin. Je ne panse pas encore mes plaies, mais je sais d’ores et déjà que le tribut sera lourd à payer. A ce moment-là, j’ignore que l’ennemi a déjà communiqué avec d’autres tribus alliées. L’avenir me dira que parfois l’ignorance est une chance. Si vous ne comprenez pas cette pensée hautement philosophique, rassurez-vous, je ne l’ai moi-même pas tout à fait saisie. Sauf par écrit, bien sûr. 😉

Une heure trente s’est écoulée depuis mon départ. Je me décide, enfin (!), à regarder le topo-guide, afin de savoir quand Je dois modifier ma route pour faire le tracé conseillé, plus court de 11 kilomètres par rapport à l’officiel. Environ 33 kilomètres annoncés. Mauvaise surprise ! J’ai raté le coche. Non seulement, je ne suis pas du tout sur le tracé court, mais en plus je suis trop engagé pour faire demi-tour… sans même parler des moustiques qui seraient sans doute ravis de me revoir. Je dois continuer. Lutter m’a ouvert l’appétit. Je n’ai rien à manger. Alors je bois plus que de raison. Heureusement, les fontaines ne manquent pas. A un bar où je souhaite me sustanter, je commande une bouteille d’eau gazeuse d’un litre et demie. Le serveur me l’amène… avec deux verres. Un suffira. Je commande deux sandwich, on me sert deux… comment dire ?… deux mini pains ? Ou plutôt deux amuse-gueules. Qui ne me font pas rire. Je reprends la route qui me semble très longue. Il fait très beau et très chaud. Deux libellules aux couleurs peu communes m’offrent un ballet aérien de toute beauté. Je suis sous le charme. D’emblée. Je reste de longues minutes à les observer. C’est de la poésie !

Les pieds me brûlent. J’ignore combien de kilomètres j’ai parcourus. J’en ai marre. Chaque fois que je monte une pente, rien de significatif ne m’est offert une fois parvenu au sommet. Je m’arrête sur une route de campagne complètement isolée. Je pose mon sac et retire chaussures et chaussettes. Me prend l’envie de me masser les pieds, chose que je ne fais jamais. J’adore masser ceux des autres. Ça me fait un bien fou. Tel que je reste plus d’une demie-heure assis au bord de cette route.

Encore un petit bois à traverser. Le scénario se répète ! Je suis de nouveau harcelé de toutes parts. Les apprentis sont de sortie. Pire ! En guise de vendetta, l’ennemi a aussi envoyé des kamikazes aveugles, ou idiots. Ou les deux ?! Des moustiques me rentrent dans les oreilles. Certains me foncent dans les yeux malgré les lunettes. Cette fois, je suis obligé d’accélérer la cadence pour sortir au plus vite de ce qui ressemble à un guet-apens. Je finis par en sortir, la tête haute, persuadé de m’être bien défendu.

Enfin parvenu au gîte géré par l’association locale de « La Via Francigena », j’y retrouve une jeune femme croisée lors d’une pause après mon départ d’Aoste. Comme je me suis complètement rasé la barbe, elle ne me reconnaît pas de suite. Nous faisons connaissance. Elle s’appelle Raylene. Elle est Canadienne et a 28 ans. Sur la route depuis six semaines, elle est partie de Canterburry, le point de départ historique de ce qu’on appelle « La voie de Sigeric ». Malgré tous ces kilomètres parcourus, elle me dit que c’est très dur depuis le Col du Grand St Bernard. Ça me remonte le moral… 😉

L’association a bien fait les choses. Déjà, depuis mon entrée dans le Piémont, j’ai remarqué que le balisage est parfait. En plus d’être original. Idem pour le gîte. C’est propre, tout est à disposition, même un ordinateur avec une connexion Internet. Ordinateur que je ne verrai que le lendemain, au moment de partir. Mes pieds me font tellement mal que je n’ai qu’une envie : dormir une bonne nuit. Mais il ne suffit pas de le vouloir. Il est 22h30 uand je me couche. A peIne allongé, je sens que ça me démange un peu partout. A minuit et demie je suis encore réveillé. J’en veux à mort aux moustiques ! Plus les minutes passent, plus je sens ma peau se déformer sous mes doigts. Je lutte pour ne pas me gratter frénétiquement. Ce n’est pas l’envie qui me manque.

Au matin, je suis couvert d’énormes boutons. Un carnage ! Quant à mes pieds, cette mauvaise nuit ne leur a pas permis de récupérer. Je me sens fatigué, de mauvaise humeur. Raylene et moi prenons le café ensemble. Ainsi que le départ. Puis nous faisons chacun la route à notre rythme. On se perdra de vue quelques kilomètres plus loin.

Je ne suis pas motivé pour marcher. Je sens bien que les 44 kilomètres de la veille n’ont pas encore été digérés. Et là, j’en ai 27 à faire. Ça fait une semaine que je marche. J’ai mon premier coup de blues…

Mahdi du Camino

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