Une journée ne manquant pas de piquant..

Salut,

 

Ivrea-Santhia

 

Je garde un bon souvenir de la journée et de la soirée passées à Ivrea. La nuit fut moins agréable. Ma sciatique, frustrée d’avoir été occultée par mes douleurs plantaires, n’a eu de cesse de s’exprimer pendant que le soleil chauffait l’autre hémisphère. Chaque fois que je me tournais j’avais droit à une « décharge électrique ». Ce qui m’a permis de me rendre compte en temps réel de ce qui tombait à l’extérieur. Les éclairs et le tonnerre  ont eux aussi produit leur quantité de kilowatts. Si bien qu’au petit matin, me levant en boîtillant, je m’aperçois qu’il pleut encore. Le temps de faire ma toilette, mes articulations chauffent un peu. Je marche presque normalement. Et descends déjeuner. Je suis seul. La dame au bar ne parlant pas français, c’est à sa radio qu’elle s’adresse. J’imagine qu’elle répond à des questions de l’animateur. A voix haute. J’apprécie particulièrement mon petit déjeuner. Je me sens bien. Mieux que d’habitude. Tout mon corps est comme enveloppé d’une douce sensation de douceur. Je suis « ouateux ». La pluie qui tombe ne me dérange pas le moins du monde. Maintenant, quand il pleut, je me dis qu’un nouveau rendez-vous avec moi-même est peut-être programmé.Mon sac est prêt. Pour changer, je me suis mis en short. Je serai plus vite dans le bain (c’est le cas de le dire !), et le soir venu j’aurai un pantalon sec à me mettre. Je préfère.

Je descends vers le centre-ville, là où la veille je vous avais écrit. La pluie cesse doucement. Arrivé en ville, un kilomètre plus bas, les gens sont en tee-shirt. Moi, déjà en nage ! Je m’arrête et enlève ma veste. Me voilà en short et tee-shirt, ma tenue préférée. Je sors rapidement de la ville et pénètre dans un sous-bois. Je peux constater à quel point il a plu. Le sentier est trempé. Mais reste toutefois praticable. Il fait bon. Je réalise que l’air est humide. Très humide. A peine ai-je fait ce constat qu’une piqûre me sort de mes pensées. Un moustique peu enclin aux bonnes manières vient de me prélever un échantillon de mon sang. Pas pour analyses. Une émulation se crée aussitôt ! J’en ai rapidement une dizaine qui me tournent autour. Une bande d’assoiffés, dont certains sont de vraies brutes. Pas d’anesthésie, on pique à l’arrache. Je me dis qu’il doit y avoir de jeunes novices sans expérience. Même pas des internes. Des stagiaires de première année ? Les prélèvements, sans être bancaires n’en demeurent pas moins $douleureux. Et répétitifs. Ma réaction ne se fait pas attendre : une loi unilatérale est immédiatement votée, avec application immédiate : la sentence sera la mort pour tout acte de vampirisme.  La plèbe accueille cette nouvelle règle avec enthousiasme.

Je donne volontiers mon sang. Mais c’est quand je le décide. La lutte est sans pitié. Attaqué de toutes parts, je décime les troupes ennemis. Du moins, j’en ai l’impression. Celles-ci semblent se régénérer sans fin. Les attaques deviennent sournoises. On m’attaque par derrière ! Aucun traité n’est respecté. Je suis piqué à travers le tee-shirt ! Contrairement au commun des mortels de la gente masculine, j’ai ce don typiquement féminin qui me permet de faire deux choses en même temps :1. Je continue à me défendre vaillament. 2. Je me dis que j’aurais mieux fait de garder mon pantalon et ma veste… 😉
Trop tard pour les regrets. Dès que je fais mine de m’arrête, l’ennemi se démultiplie. Je ne dois mon salut qu’à la sortie de ce joli petit bois. N’en déplaise à Yves Duteuil, aucune tarentelle ou autre danse ne m’y fera retourner.

Un petit village se présente enfin. Je ne panse pas encore mes plaies, mais je sais d’ores et déjà que le tribut sera lourd à payer. A ce moment-là, j’ignore que l’ennemi a déjà communiqué avec d’autres tribus alliées. L’avenir me dira que parfois l’ignorance est une chance. Si vous ne comprenez pas cette pensée hautement philosophique, rassurez-vous, je ne l’ai moi-même pas tout à fait saisie. Sauf par écrit, bien sûr. 😉

Une heure trente s’est écoulée depuis mon départ. Je me décide, enfin (!), à regarder le topo-guide, afin de savoir quand Je dois modifier ma route pour faire le tracé conseillé, plus court de 11 kilomètres par rapport à l’officiel. Environ 33 kilomètres annoncés. Mauvaise surprise ! J’ai raté le coche. Non seulement, je ne suis pas du tout sur le tracé court, mais en plus je suis trop engagé pour faire demi-tour… sans même parler des moustiques qui seraient sans doute ravis de me revoir. Je dois continuer. Lutter m’a ouvert l’appétit. Je n’ai rien à manger. Alors je bois plus que de raison. Heureusement, les fontaines ne manquent pas. A un bar où je souhaite me sustanter, je commande une bouteille d’eau gazeuse d’un litre et demie. Le serveur me l’amène… avec deux verres. Un suffira. Je commande deux sandwich, on me sert deux… comment dire ?… deux mini pains ? Ou plutôt deux amuse-gueules. Qui ne me font pas rire. Je reprends la route qui me semble très longue. Il fait très beau et très chaud. Deux libellules aux couleurs peu communes m’offrent un ballet aérien de toute beauté. Je suis sous le charme. D’emblée. Je reste de longues minutes à les observer. C’est de la poésie !

Les pieds me brûlent. J’ignore combien de kilomètres j’ai parcourus. J’en ai marre. Chaque fois que je monte une pente, rien de significatif ne m’est offert une fois parvenu au sommet. Je m’arrête sur une route de campagne complètement isolée. Je pose mon sac et retire chaussures et chaussettes. Me prend l’envie de me masser les pieds, chose que je ne fais jamais. J’adore masser ceux des autres. Ça me fait un bien fou. Tel que je reste plus d’une demie-heure assis au bord de cette route.

Encore un petit bois à traverser. Le scénario se répète ! Je suis de nouveau harcelé de toutes parts. Les apprentis sont de sortie. Pire ! En guise de vendetta, l’ennemi a aussi envoyé des kamikazes aveugles, ou idiots. Ou les deux ?! Des moustiques me rentrent dans les oreilles. Certains me foncent dans les yeux malgré les lunettes. Cette fois, je suis obligé d’accélérer la cadence pour sortir au plus vite de ce qui ressemble à un guet-apens. Je finis par en sortir, la tête haute, persuadé de m’être bien défendu.

Enfin parvenu au gîte géré par l’association locale de « La Via Francigena », j’y retrouve une jeune femme croisée lors d’une pause après mon départ d’Aoste. Comme je me suis complètement rasé la barbe, elle ne me reconnaît pas de suite. Nous faisons connaissance. Elle s’appelle Raylene. Elle est Canadienne et a 28 ans. Sur la route depuis six semaines, elle est partie de Canterburry, le point de départ historique de ce qu’on appelle « La voie de Sigeric ». Malgré tous ces kilomètres parcourus, elle me dit que c’est très dur depuis le Col du Grand St Bernard. Ça me remonte le moral… 😉

L’association a bien fait les choses. Déjà, depuis mon entrée dans le Piémont, j’ai remarqué que le balisage est parfait. En plus d’être original. Idem pour le gîte. C’est propre, tout est à disposition, même un ordinateur avec une connexion Internet. Ordinateur que je ne verrai que le lendemain, au moment de partir. Mes pieds me font tellement mal que je n’ai qu’une envie : dormir une bonne nuit. Mais il ne suffit pas de le vouloir. Il est 22h30 uand je me couche. A peIne allongé, je sens que ça me démange un peu partout. A minuit et demie je suis encore réveillé. J’en veux à mort aux moustiques ! Plus les minutes passent, plus je sens ma peau se déformer sous mes doigts. Je lutte pour ne pas me gratter frénétiquement. Ce n’est pas l’envie qui me manque.

Au matin, je suis couvert d’énormes boutons. Un carnage ! Quant à mes pieds, cette mauvaise nuit ne leur a pas permis de récupérer. Je me sens fatigué, de mauvaise humeur. Raylene et moi prenons le café ensemble. Ainsi que le départ. Puis nous faisons chacun la route à notre rythme. On se perdra de vue quelques kilomètres plus loin.

Je ne suis pas motivé pour marcher. Je sens bien que les 44 kilomètres de la veille n’ont pas encore été digérés. Et là, j’en ai 27 à faire. Ça fait une semaine que je marche. J’ai mon premier coup de blues…

Mahdi du Camino

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Pris par le temps…

Salut,

J’ai horreur d’écrire des articles à la va-vite, mais là je n’ai vraiment pas le choix…

Voici quelques nouvelles vite fait car le cyber va fermer :
– hier, mal réveillé je n’ai pas suivi le parcours préconisé par le topo-guide (32,9 kms). Au lieu de ça, j’ai pris le chemin officiel et me suis tapé… au moins 44 kms. Une tuerie !
– j’ai toujours hyper mal aux pieds et ne sais toujours pas si il me faut encore du temps pour m’habituer, ou si les nouvelles chaussures ne me conviennent pas. En arrivant à Vercelli tout à l’heure, j’ai failli craquer et entrer chez Décathlon m’acheter des Columbia (je n’ai jamais eu besoin de rodage avec cette marque !). Mais je dois attendre encore un peu.
– hier, trop claqué pour rédiger un article… je n’ai pas vu le PC mis à notre disposition dans le local de l’asscociation. Dommage, j’ai mis plusieurs heures à m’endormir (trop mal, et surtout, je me suis fait mitraillé par des p****** de moustiques. J’ai d’énormes impacts partout. Certains m’ont piqué à travers le tee-shirt… ce qui explique le mot grossier que j’emploie. Ils m’ont littéralement pourri ma journée.
– ce soir, pas le temps non plus d’alimenter le Blog. J’ai rechargé ma carte sim italienne, je vais voir ce que ça va donner

Je vais faire étape dans des tout petits villages sans connexion, donc impossible de savoir quand je reposterai.

Sur ce, je vous embrasse et vous donne rendez-vous à dès que possible.

Mahdi du Camino

PS : la montagne me manque déjà énormément…

PS 2 : vraiment désolé pour le format de cet article. Je l’ai aussi rédigé pour rassurer certaines personnes.

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Nouveau départ

Salut !

 

Nouvelles chaussures

 

« Si vous continuez à marcher avec ces chaussures, vous ne pourrez plus marcher du tout ! ».

Ma journée commence par cette phrase de la propriétaire de l’hôtel où je couche, à Pont St Martin. Je sais qu’elle n’a pas tort, hélas. Je décide donc de me rendre à Ivrea, comme prévu, mais en passant par la route. Le cas échéant je pourrai même marcher un peu avec mes tongs. Je prends donc congé de ma proprio très sympathique, qui a été la première à m’appliquer le tarif du guide. Ce que je ne manque pas de lui souligner. Et me revoilà en bord de route non aménagée pour les piétons. C’est reparti pour les flots de voitures, les conducteurs surpris de me voir, les coups de volant intempestifs, et les inconscients dépassant à grande vitesse malgré la ligne blanche continue. J’ai la pression et la peur de provoquer un accident malgré moi. Mais je n’ai pas le choix. Pas question d’aller crapahuter dans la montagne avec mes pieds aussi douloureux. Il faut que je tienne jusqu’à Ivrea, où on m’a assuré que je trouverai une boutique de sport. J’en ai pour une quinzaine de kilomètres de béton. J’avance tant bien que mal, m’arrêtant régulièrement, et longuement.

Après deux heures de souffrance, le miracle a lieu ! Un magasin de sport en bord de route ! Ivrea est encore loin, je suis aux anges ! Quand j’entre dans la boutique, je comprends de suite qu’il va être difficile de trouver un prix à deux chiffres avant la virgule. Pas question de mettre 150 euros dans des chaussures achetées dans ces conditions. La vendeuse occupée, j’en profite pour regarder. Ça fait mal niveau tarifs. Très mal. sSoudain mon regard est attiré par une affichette annonçant 50 % de réduction… voilà qui est intéressant. Un seul modèle pour homme est disponible. Il me plaît bien. Reste à voir la taille… et le prix. Là encore, coup de bol ! Il y a deux pointures et l’une me va. En plus, elles sont en Gore Tex (imperméabilisé). Les miennes ne l’étaient pas. La vendeuse fait ses calculs et m’annonce 79 euros. Yessss ! J’avais payé les miennes 70 euros (cher pour deux petites semaines d’existence ! 😉 ). Je repars avec mes nouvelles chaussures aux pieds. Jetant les anciennes avec un gros regret. Ce qui s’est passé me semble encore tellement bête.

A peine sortie, je me rends compte qu’en face de moi j’ai la dernière montagne. Je suis bientôt hors de la vallée. Cinq cents mètres plus loin je quitte la route pour retrouver le balisage… qui a changé. J’espère qu’il sera moins discret que l’ancien !

Retour sur La Via Francigena. Retour à la nature ! Les insectes, les fleurs, les cours d’eau. Je retrouve tout et surtout, le moral. Ça change tout. Bien sûr, j’ai encore mal aux pieds, mais je peux identifier ces douleurs. Je sais que ce sont les deux grosses ampoules qui « mûrissent ». Très vite je reprends un bon rythme et parviens à l’entrée d’Ivrea en trois heures. Après m’être régalé de nature. C’est justement à l’entrée de la ville qu’un monsieur m’accoste. Il est membre de l’association de « La Via Francigena » d’Ivrea. On discute, il me donne des infos et me souhaite bonne route. Ce qui était drôle c’est qu’il transpirait énormément et s’essuyait régulièrement le front. Des gouttes de sueur échappaient à son attention et s’écrasaient sur le plan qu’il me montrait. Il faisait très chaud. Moi, en pleine marche, chargée comme une bourrique, j’avais le front presque sec. 😉

Le monsieur m’a orienté vers le club de canöe qui possède un dortoir. Mais j’ai besoin d’être seul, et opte pour les Salésiens. Ce fut la croix et la bannière pour contacter le gardien, mais j’y suis arrivé. La persévérance valait la peine en entrant dans ma chambre.

Pour la première fois depuis mon départ, je suis allé boire un coup avant de chercher où dormier. Et pour la première fois aussi, je suis ressorti (en tongs) pour me promener en ville. La soiréee est douce, je suis sur un banc de la place principale et je… vous offre cet article. 😉

Je rends hommage à mes anciennes chaussures que j’appréciais vraiment. Elles m’ont bien rendu service. Bienvenue aux nouvelles, qui je l’espère, m’amèneront à destination. Nouvelles chaussures, nouvelles balises, nouveau départ !

A bientôt !

Mahdi du Camino

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Mieux vaut en rire…

Salut !

 

Pont St Martin-Ivrea

 

Cette nuit j’ai fait un curieux cauchemar. J’étais avec plusieurs membres de ma famille, dont mon père décédé il y a près d’un an. Je ne me souviens pas de tous les détails, mais il me semble que nous étions à l’hôpital. Où j’étais soigné pour un gros problème au pied droit.

Sur le dessus, j’avais deux énormes plaques noires. Etait-ce du sang coagulé ? De la gangrène ? Je l’ignore. Toujours est-il que je me suis réveillé avec cette image bizarre en tête…

L’étape du jour ne présentant a priori rien de particulier, j’ai pris mon temps ce matin. Je me suis douché et préparé tranquillement. Dehors, le ciel est plutôt dégagé. Je me dis qu’en traînant un peu, ça laissera le temps au soleil de chauffer un peu l’air.

Mon sac est prêt. Tout est bien rangé, je n’ai rien oublié. Il ne me reste plus qu’à mettre mes chaussures. Et là, très mauvaise surprise. J’ai tout de suite la désagréable sensation qu’elles me serrent plus anormalement. Les lacets ont été défaits. J’ai l’habitude de ne pas trop serrer mes chaussures et de les enlever sans jamais les délacer. Les puristes vont faire des bonds ! 😉

Je me dis que c’est normal. Mais très vite j’en conclus que la veille, plutôt que de les mettre près du radiateur comme elle me l’avait proposé, la dame de l’auberge les a passées au sèche-linge avec mes habits.  Et je m’en veux de ne pas l’avoir mise en garde…

Après avoir déjeuner et remercier mes hôtes, sans bien sûr faire d’allusion à mes chaussures, je reprends la route en espérant qu’elles vont s’élargir. Mais très vite je constate l’inverse. Je n’ai pas mal « comme d’habitude ». Et les deux grosses ampoules naissantes n’arrangent rien. Je sens mes pieds comprimés, mes orteils les uns sur les autres. Dans les descentes raides, je m’attends à voir surgir mes deux gros orteils ! Ça pique devant, derrière, à droite, à gauche. Ma voûte plantaire, qui s’était un peu fait oublier hier, redonne de la « voix ». Je commence à me demander si mon sang circule correctement… je me souviens alors de mon cauchemar. Ce qui ne me rassure guère… 😉

Il fait beau et chaud. Juste comme j’aime. Les paysages sont superbes. Mais ma tête est ailleurs. Au fur et à mesure des kilomètres, c’est comme si j’avais deux boules de feu à la place des pieds. Je ne sais même plus de quoi j’ai mal. Ma sciatique réveillée en même temps que moi ce matin se fait voler la vedette. Eclipse totale ! Elle ne fait pas le poids, là.

Toute mon attention est portée sur mes pieds. Plus rien n’a d’importance désormais. Et comme je le pensais, bien que les balises m’aient encore fait tourner en bourrique, je finis rapidement l’étape. Arrivé à l’hôtel, j’ai la chance de tomber sur une dame sympa et parlant très bien le français. La pauvre s’est tordu le pied la veille. J’insiste pour qu’elle ne m’accompagne jusqu’à ma chambre située au deuxiême étage. Elle apprécie. Entre estropiés, faut bien s’entraider, me dis-je. 😉

Ce n’est qu’une fois dans ma chambre que je peux enfin (!) retirer ces chaussures qu’hier encore j’adorais.  Dix minutes plus tard mes pieds vont beaucoup mieux. La messe est dite.

Souhaitant aller manger un morceau en soirèe, j’ai fait un petit test : j’ai vraiment bien desserré les lacets et mis mes chaussettes plus fines. Arrivé à la pizzeria située à quelques 500 mètres, j’avais de nouveau les pieds sur le bûcher. Le patron du restaurant et son énorme pizza me remonteront bien le moral. Quant à mon problème, je vais voir comment le résoudre.

J’ai repensé plusieurs fois à la merveilleuse journée d’hier. A l’accueil très chaleureux de Verrès et une phrase me revenait régulièrement à l’esprit : « L’enfer est pavé de bonnes intentions. ». Mieux vaut en rire… 😉

A bientôt !

Mahdi du Camino

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Les molécules d’eau…

Salut ! Chatillon-VerresInfo : Il y a une erreur sur la photo. Le départ se fait de Châtillon.

 

Ça fait bizarre de passer une nuit normale. J’ai dû m’endormir en moins de trente minutes hier soir ! Et pour la première fois, c’est le réveil qui m’a rappelé où j’étais. J’ai d’ailleurs eu un moment de flottement qui a duré quelques minutes. Le plus curieux est que j’étais moins bien réveillé que quand je dors peu. Heureusement que le soleil brille, je n’ai pas trop envie de sortir. 😉 Je suis content que la météo se soit plantée ! Au bar où je vais déjeuner, un monsieur me confirme qu’il va faire beau. Et ajoute qu’au Col du Grand St Bernard il y a de… la neige ! Je me dis que j’ai eu beaucoup de chance. A quelques jours près j’y avais droit.

Je prends le temps de bien apprécier mes deux cafés avec croissants, à défaut d’avoir des tartines. La patronne est très sympa dans son établissement bien entretenu et tout coloré. Idéal pour émerger en douceur.

Une fois prêt, je la salue et reprends la route de la veille en sens inverse. Pas de perte de temps ce matin : à peine ai-je parcouru cent mètres que je dois monter des marches très raides. Arrivé au sommet, devant l’église, j’enchaîne avec une petite route qui monte encore. Je la quitte pour un sentier qui, lui, grimpe méchamment sans que j’ai le temps de m’échauffer. Ce n’est pas grave, il fait beau, bon, et je suis en tee-shirt. Arrivé sur les hauteurs, je profite bien de la vue pour prendre quelques photos. Et remarque la couleur du ciel. Ce qui arrive ne ressemble pas à du beau temps ! Effectivement, moins de trente minutes plus tard, il pleut. Cette fois, j’anticipe bien avant en mettant toutes mes affaires à l’abri. Ayant démarré avec l’idée qu’il pleuvrait, je suis on ne peut plus prêt. Heureusement que je l’étais ! Excepté une accalmie d’un quart d’heure, il a plu sans arrêt pendant que je marchais. A ce moment-là j’ignorais que j’arriverai sous le soleil, et les applaudissements de la foule en délire… nan, ça c’est mon fantasme. 😉 En un quart d’heure je suis bien trempé. Mais ça ne me dérange pas. La folle journée de la veille m’a fait passer un cap. En effet, avant de m’endormir j’ai remarqué que j’avais beaucoup moins mal aux muscles des jambes. Et ce matin, j’ai de suite senti qu’elles réagissaient mieux. Du coup, cette pluie incessante est accueillie différemment puisque je suis en meilleure forme. Je continue d’avancer comme je le fais habituellement. Sauf que le ciel est tout gris, que la brume s’installe, et que je suis entièrement sous les eaux. Je ressens très vite comme un plaisir d’être trempé. Gamin, ça nous arrivait de nous laisser entièrement piégés par la pluie avec des copains. Ensuite, on allait jouer dans la boue… et on rentrait dégueulasses. Là, le point commun est que je me laisse volontairement bien tremper, pour pouvoir aller « plus loin ». Une fois tout mouillé, je ne peux pas l’être davantage. Et je sais par expérience que la pluie, quand elle est acceptée, peut nous emmener là où l’on s’y attend le moins

J’ai ainsi pu profiter de ma journée au maximum. Bien sûr, les insectes étaient absents, les balises aussi parfois ! Mais pour le reste, j’ai fait comme d’habitude : je me suis arrêté pour regarder et surtout écouter les rus, ruisseaux, rivières et autres torrents. J’ai aussi pris la peine de m’arrêter régulièrement pour regarder le ciel et les montagnes… quand la brume se faisait plus discrète. J’ai fait un détour pour monter voir une église sise en contrebas d’un château que l’atmosphère rendait mystérieux. Quelques secondes auparavant les cloches m’avaient sorti de l’embarras à un moment où j’hésitais entre deux directions. Quel beau détour ! Comme d’habitude, je m’arrête à chaque fontaine. J’y bois ou me mouille les lèvres. Je m’y rafraîchis les mains… alors que je suis déjà tout mouillé. Je me suis découvert ces petits gestes sur ce Chemin.

Je contemple aussi beaucoup la beauté de la vallée. Sous ces tons gris orageux, elle reste belle. Majestueuse. C’est une autre beauté qu’elle arbore. Les énormes nuages qui la traversent lui donnent une autre dimension. Tout cela ressemble à un immense tableau, avec une multitude de détails. Et pour ne pas faire tache, ne pas dépareiller, je me laisse inonder d’eau de pluie. Il arrive un moment où je sens que je fais partie de ce tableau. Là. Aujourd’hui. Maintenant. J’aime ça. Mon âme aime ça. Et contre toute attente, mon corps aussi aime ça !

J’enroule les kilomètres. Croise des gens sous abri qui me regardent perplexes. Je me rends compte que j’affiche un sourire béat… voire niais. Je me sens tellement bien !

Le temps passe doucement. Aujourd’hui les balises ne sont pas trop capricieuses, même si elles m’ont encore fait quelques frayeurs. C’est stressant de marcher dans ces conditions. Et sous cette pluie, je ne me vois pas progresser avec le topo-guide en main. D’autant plus que je déteste avoir les deux mains occupées en marchant. Sauf quand des arbres très généreux abaissent leurs branches pour m’offrir leurs fruits délicieux. Ce matin, j’ai droit à différentes variétés de pommes, et des prunes. Je me suis régalé… sous la pluie. 😉

Arrivé dans le petit village d’Oley, je vois deux marcheuses devant moi. A 100 mètres. Comme je marche mieux ce matin, je m’en rapproche. Mais je n’en ai pas envie, alors je me pose sur un banc abrité de la pluie par des balcons magnifiquement fleuris. Je fais une petite pause de dix minutes et repars. La rivière, gonflée par les pluies récentes gronde. Mon regard est alors attiré par deux canards qui survolent le cours d’eau avec une aisance surprenante. Une fois hors de mon champ de vision, je me dis « Au fait, ne serait-ce pas ici que je dois passer sur l’autre rive si je veux éviter un passage dangereux décrit dans le topo-guide ? ». Ne me souvenant plus du village en question, je décide de trouver un abri plus loin afin de regarder tout ça dans le détail. Revoilà les deux marcheuses. Elles retournent sur leurs pas. On se salue. L’une d’elles m’interpelle et m’informe… qu’on leur a conseillé de passer de l’autre côté de la rive. J’ai la réponse à ma question ! Finalement, refroidies par l’étape d’hier, où comme moi elles ont perdu les balises à Nus, elles décident de continuer par la route. J’en fais autant en leur laissant plusieurs minutes d’avance. Je veux être seul. Je pense qu’elles aussi souhaitent rester entre amies.

La pluie continue de tomber quand je commence ce qui va être un très long tronçon sur du béton. Mais comme je marche beaucoup plus vite que les jours précédents, j’ai le moral. Je sais que je vais y arriver. Et c’est ce qui se passe. Au-delà même de mes espérances puisque j’arrive sous le soleil ! Je me pose enfin à l’Auberge de jeunesse où le personnel est aux petits soins avec moi. On me lave mon linge qui me sera rendu sec et plié. Les chaussures détrempées me seront ramenées nettoyées et un peu humide, mais je n’en demandais pas tant. Le soir, c’est une vraie cuisine de famille qui vient couronner ce qui fut une magnifique journée de pluie. Si on m’avait dit qu’un jour j’aimerais à ce point marcher sous la pluie, je ne l’aurais pas cru.

En y repensant, dès ma première étape de Bourg St Pierre au Col du Grand St Bernard, j’ai été fasciné par l’eau. Une fascination récurrente. Aujourd’hui, je n’ai pas fait que marcher sous la pluie. Je me suis senti la pluie. Je me suis senti dans le Tout. Je ne regarderai plus les gouttes de pluie tomber comme avant…

A bientôt !

Mahdi du Camino

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