De taons en taons…

Salut !

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Quand je quitte Casa Cares, ça grimpe avant même que je sorte de la propriété. Paul, mon hôte, m’a indiqué un sentier pour monter à l’abbaye de Vallombrosa.

Il fait beau et bon. Les arbres me font de l’ombre tout au long de mon ascension. Si bien que j’arrive à la fameuse abbaye frais et dispo. J’en profite pour faire quelques photos, et me dirige vers la pharmacie, où je compte demander un tampon pour ma credencial. Le tampon apposé, je reprends ma route. Ça monte encore bien.

L’environnement me plaît énormément. Je traverse une forêt composée de très grands arbres. Ils sont nombreux, et inspirent le respect. J’ai parfois l’impression de marcher devant une armée silencieuse. Bien que je sois très isolé, je me sens particulièrement en sécurité. Parfois, j’ai envie de « m’enrôler » dans cette armée. Elle m’attire, sans que je ne sache vraiment pourquoi…

Je marche vers la « vieille croix », où j’ai rendez-vous avec Marcello, un ami de Franco. Lui aussi membre de l’association gérant « La via Ghibellina ». Comme je n’ai pas réussi à le joindre, on se retrouve plus loin que prévu. Marcello est monté à ma rencontre. Il a du mérite car il fait chaud.

Ensemble, nous marchons vers Poppi. Tout en progressant, nous discutons de choses et d’autres. Et Marcello en profite pour littéralement tailler la route. Avec son bâton de marche, il dégage le chemin des herbes et autres ronces trop encombrantes.

Quand Poppi est en vue, je me trouve face à un joli village perché sur une petite colline. Ça a du charme. Et plus encore quand on en parcourt les rues. En même temps que Poppi, je fais connaissance de ma destination pour le lendemain : La Verna. Marcello me montre la montagne en question, ainsi que le sanctuaire qu’on devine de notre position. Il ne manque pas de me répéter que la montée sera difficile. Je le crois sur parole.

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Mais avant l’effort, le réconfort ! Ce n’est qu’en arrivant à Poppi que Marcello m’a annoncé où je dormirai : chez lui. Rien que l’idée de ne pas avoir à chercher où coucher m’enchante. La journée a été longue pour moi. Les kilomètres parcourus en montagne comptant double ! 😉

Marcello a de la visite. Les parents de son gendre sont là. C’est donc une soirée familiale qui s’annonce. Avec un repas que je ne suis pas près d’oublier ! Idem pour le tiramisu au dessert. Au-delà du repas, c’est l’ambiance qui m’a de suite plu. Je me suis vite senti à l’aise. De plus, Lavinia, la fille de Marcello, a fait une partie du chemin de Compostelle et rêve de le faire en entier. Alors en voyant la coquille sur mon sac, elle revoit son Camino.

Très fatigué, je prends rapidement congé de mes hôtes. Eux, sortent en ville : c’est la fête du vin à Poppi ! Pendant deux jours. A table, fidèle à moi-même, je me suis contenté de mon breuvage favori : l’eau gazeuse. Au grand dam de Marcello, fier des bonnes bouteilles de vin rouge qu’il a en stock.

Le lendemain, jour de la montée à La Verna, je ne suis pas seul. Marcello m’accompagne de nouveau. Ainsi que deux amies à lui. Chacune est venue avec sa chienne. Tout ce petit groupe va avaler quelques kilomètres, jusqu’à une belle maison d’hôte idéalement située. Nous y faisons une bonne pause. La Verna et son sanctuaire semble ne pas se rapprocher. Ça fait pourtant plus de trois heures que nous marchons. Près d’une heure plus tard, la fille de Marcello récupère tous mes compagnons d’un jour. On immortalise l’instant, et je continue seul.

J’y ai beaucoup pensé à cette montée. C’est la dernière grosse difficulté avant Assise. Je me sens plutôt en petite forme. J’ai passé une mauvaise nuit. Encore ma sciatique…

Dans la matinée le ciel me paraissant instable, je demande plusieurs fois à Marcello s’il risque de pleuvoir. Il me répond invariablement par la négative. A peine m’ont-ils quitté que je me fais doucher ! Ça tombe bien, j’avais imaginé la grimpette plus excitante sous la pluie. Je m’arrête et mets toutes mes affaires à l’abri. Le linge à sécher accroché à mon sac devra attendre.

Le ciel n’est pas content et il le fait savoir. Il gronde de plus en plus fort. Quand j’entame la montée proprement dite, il pleut déjà depuis quelques minutes. J’ai mis ma veste, mais préfère rester en short. Comme pour monter sur un ring.

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Marcello et Franco n’avaient pas exagéré. La montée est rude. Et s’étale sur plusieurs kilomètres. Le sentier est en pierres. Il faut impérativement regarder où on pose ses pieds. Ce sol, je le connais. La montagne, j’en ai vu d’autres. La pluie, je m’y fais de mieux en mieux. Je suis fin prêt à en découdre.

Mais arrive alors une chose que je n’avais pas prévue : des taons ! Ils sont nombreux à me tourner autour. De plus en plus nombreux. Quand ils sont sept ou huit, c’est gérable. Mais leur nombre augmente au fur et à mesure que j’avance. J’en ai maintenant une bonne trentaine qui me harcèlent. Ils sont surtout devant mon visage. Certains me rentrent dans les oreilles, d’autres dans les yeux (j’ai dû enlever mes lunettes à cause de la buée). Des plus téméraires se glissent sous ma capuche que je suis obligé de garder. Parfois, je suis même obligé d’en recracher ! Je dois alors me mettre des tapes pour les empêcher de nuire.

La pluie continue de tomber. Ça ne gêne pas les taons. Au contraire ! Ils sont en plus grand nombre. Tellement nombreux que je décide de m’arrêter et de me défendre. Plus j’en tue, plus il en arrive. Je dois m’arrêter toutes les dix minutes et en tuer un maximum. Par chance, je ne suis pas piqué aux jambes, ni au visage. Je pense que le gel anti-moustiques que je continue à mettre ne leur plaît pas. La pluie cesse. Je retire ma capuche car j’ai l’impression d’être dans un hammam. C’est insupportable. Mauvaise idée. Les taons me foncent dans les cheveux et tentent de me piquer le cuir chevelu. Une simple formalité pour eux qui ont l’habitude de piquer les chevaux.

Il refait beau. Le soleil brille. Les paysages sont magnifiques… et je dois continuer à marcher avec ma capuche. Surveiller chaque taon qui se pose, et continuer mes pauses-ripostes.

Ils ne me lâcheront qu’une fois en haut. Je leur en veux. Pas seulement d’être aussi énervants. Mais surtout de m’avoir privé de mon « combat ». Je n’ai eu d’attention que pour eux, et les endroits où je posais mes pieds. L’arrivée au sanctuaire balaie tout ça. L’endroit est tellement inhabituel et impressionnant que seul compte l’instant présent. Nous sommes à un peu plus de 1150m. La météo change dix fois en une heure. Quand nous avons « la tête dans les nuages » l’ambiance devient mystérieuse.

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Je suis vite installé dans un dortoir où pour la première fois depuis que j’ai quitté La via Francigena, je retrouve des pèlerins. Comme moi, ils vont à Assise…

Prenez soin de vous, et à bientôt !

Mahdi du Camino

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